Antoine Bargel

2020

Un enfant

Un enfant, c’est ce qui reste de nous quand on est partis.

Le fruit d’un amour aussi certain que notre mort, aussi fort
que l’angoisse émouvante du vivant face à sa fin.

On y met tout ce qu’on a appris, acquis et capitalisé ;
on prend soin de ce corps qui nous appartient
à moitié ; on rejette sur sa pauvre âme
tous nos espoirs déçus, c’est-à-dire tous nos échecs.

Moralement, l’enfant se compose de tout
ce qui nous est inutile, ou pire : toxique.

En ignorant que nous sépare de ces êtres seconds
le temps dans ce qu'il a d'infranchissable (une époque ; une génération),
et en voulant que leur histoire – c’est-à-dire leur personne – s’inscrive dans la nôtre,
on fait de nos petits échecs des monstres à retardement.

On les aime, c’est bien ce qui fait mal,
car le seul amour altruiste est celui de soi-même
(il épargne les autres).

Lorsque l’on a créé l’objet de son amour,
n’allons pas le prétendre libre,
ni humain
à nos yeux.

Un enfant, c’est de la merde et de la chair en putréfaction :
les nôtres,
qu’on se fourre dans la bouche à la moindre occasion.