Antoine Bargel

Suite à Comme un arbre, dont l’objet était l’actualité du monde à travers la lecture de multiples quotidiens, le projet du Demi-journal est d’écrire un jour sur deux, pour que l’autre la muse mûrisse un peu, un poème inspiré du mien, de quotidien, aussi bien celui de ma vie extérieure que de mon univers intérieur (pas plus intime pour autant).

Demi-journal parce que ces poèmes sont écrits un jour sur deux.

Demi-journal parce que même si c’est inspiré de mon quotidien, toutes les excuses sont bonnes pour faire de la fiction. Tout y est donc à demi vrai, puisque je l’ai à demi inventé.

Le Demi-journal, tome 1 (247 poèmes du 23 mars 2018 au 16 décembre 2019) est déjà disponible.

Les Demi-journal, tome 2 (225 poèmes du 3 mai 2020 au 2 décembre 2021) et Demi-journal, tome 3 (178 poèmes du 13 janvier 2022 au 27 février 2023) sont en préparation à la publication.

Le tome 4 est en cours d'écriture.

Recueil composé des textes suivants (les deux premiers initialement attribués à Régine Balaton) :

JEU-CONCOURS : La couverture reproduite ci-dessus présente une particularité visuelle cachée. Envoyez la solution de l'énigme à antoine@bargel.eu pour recevoir un exemplaire gratuit.

Cliquer sur la couverture pour lire au format pdf.

Les fumigènes embrument le stade autrichien avant le début du match de Ligue Europa         entre Salzbourg et Marseille.

La sueur des participants ruisselle ainsi que le venin des journalistes         en attendant les prolongations.

À la fin le vainqueur exulte le perdant est au désespoir         et je bois indifférent ma tisane.

***

Le pressing, c’est fatal quand les attaquants reculent chacun plus apeuré de perdre le ballon au point d’en oublier la beauté d’échouer encore et encore, en essayant d’attaquer la ligne de but.

(Argentine-Croatie, 59è minute)

***

Les prolongations, c’est toujours plus tendu donc brouillon, mais intense et sans être beau on peut dire que c’est excitant

même quand, ainsi que c’est mon cas, l’on se moque du résultat autrement que pour ses qualités dramatiques.

(Russie-Croatie, 97è minute)

***

Joie populaire, ô l’allégresse sans autre objet que les couleurs d’un drapeau : ombre divine, beauté pure sans la fatigue de l’idée, du travail ni de la récompense.

C’est qu’on s’épargne bien des progrès en vénérant les rebonds d’un ballon comme autrefois les entrailles de poulets.

***

Enfin, le football est une chose ; l’amour, une autre.

Dans les deux cas le score n’est fixé qu’au moment où l’arbitre fait retentir le coup de sifflet final.

Mais en amour on ne connaît pas la durée du match.

1

À la fenêtre, il neigeait sur Moscou.

Les flocons tombaient comme des cendres venues de feux lointains, éteints peut-être entre temps.

Les flocons tombaient en trajectoires imprévisibles comme sur les humains la mort.

Les flocons tombaient, recouvraient la route et le parking et mes rêves de te revoir un jour.

2

Violette, la fumée déferlait sur le ciel de Moscou pâle, bleu et doré par le crépuscule à 15 h 30.

           La fumée déferlait, horizontale et lasse, laissant sous son dos plat de violets ronds d’écume surgir, puis tournebouler sur les toits

des hangars, des usines alignés au fond du champ de givre qui me rappelait au moment des adieux ton sourire glacé.

3

L’eau de la Moskova était noire entre les fragments de glace brisée, comme le ciel et les arbres noire et comme une promesse.

Luisaient la glace et en face les tours du ministère de la Défense et autour de moi la neige entre les arbres et sur le quai.

Je t’ai désirée ce jour-là, barbare comme un souvenir,                                     et puis j’ai vu flotter les pattes prisonnières d’un carreau gelé qui descendait le fleuve, un canard digne.

portrait of the author as a sleepy man

Pour des raisons de mise en page, ce texte doit être consulté au format pdf, en cliquant ici.

Envie de m’allonger sur le banc de ce bar comme sur le quai du port avec les clochards :

un renoncement à la décence de rester vertical en public quand je suis bancal en privé.

***

Ça, c’est l’état neutre des rapports humains : l’indifférence mêlée de respect qu’on a pour autrui quand autrui boit — respect du droit de chacun à son espace de boisson.

Mais en fait non : le serveur gagne son pain, sa politesse est artificielle, conditionnée du moins ; l’ensemble de l’espace est régi par la loi du patron qui l’impose pour son bénéfice (pas de bagarres, ne pas déranger les autres pour qu’ils consomment tranquille) et repose sur la loi du pays au besoin.

Espace où les individus ne s’agressent pas non par respect les uns des autres mais de la loi qui nous permet de boire.

L’état neutre des rapports humains c’est l’agression.

***

Quand on rencontre quelqu’un qu’on connaît, qu’on va laisser approcher de soi plus qu’on ne laisse les inconnus — à portée d’attaque :

alors, même si on le connaît bien mais juste au cas où, pour rappel, on lui montre les dents.

***

Le rapport aux autres est fondé sur la peur que l’autre attaque.

On a tous la capacité d’attaquer.

Le crime, c’est de la prendre à son compte pour profit ou plaisir.

Ce dont on a tous le désir.

Et donc, puisque autrui alors désire ainsi nous attaquer, devoir de nous défendre.

***

Le plus simple : se montrer loquace et à l’aise pour s’inscrire dans l’ordre social, qui protège la plupart du temps.

Seul, on compte sur ses propres ressources : ce sera trop d’effort de m’attaquer moi, suggestion indirecte d’en attaquer plutôt d'autres.

En restant ainsi seul et silencieux, plutôt que de jouer l’ordre social, je représente un danger pour les autres qui le savent et bien me le rendent.

***

Je ne peux donc pas m’allonger sur ce banc.

(Prague, 10/1/12)

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Ma vie parfaite (2020)

Brad, mon mari, vient me voir tous les jours depuis que je suis dans cet hôpital, mais je ne lui ouvre pas ma porte. Je ne veux voir personne. Je ne veux plus rien voir. J’aimerais ne plus être là et ce n’est qu’une question de temps avant que j’y parvienne.

Au Texas, dans un hôpital psychiatrique, Donna ressasse le drame qui a frappé sa famille. Tout commence quelques mois plus tôt, lorsqu’un coup de téléphone matinal bouleverse son mari, Brad, qui lui révèle alors un macabre secret enfoui dans son passé. C'est toute leur existence qui menace de s’effondrer et Donna va lutter pour l’avenir de sa fille, quel que soit le prix à payer. À mesure que progresse son récit des faits, elle entend démontrer à sa psychiatre qu’elle va mieux, et qu’il faudrait la laisser sortir et retrouver sa vie parfaite.

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